Chaque année, un·e designer de l'année est choisi par les magazines Knack Weekend et Le Vif Weekend et la Biennale Interieur. Cette année, le studio bruxellois Biskt compte parmi les lauréat·es. Ce studio de design est reconnu pour ses conceptions innovantes qui repoussent les limites de la céramique. À leur manière, iels conjugent artisanat et industrie. Le prix est décerné pour la 17e fois par les partenaires du prix, le Design Museum Gent, le CID Grand-Hornu, le Design Museum Brussels et le MAD Brussels. Le Studio BIKST succède à Sébastien Caporusso comme designer de l'année.
Céramiste et designer industriel, Charlotte Gigan et Martin Duchêne ont monté studio Biskt en 2018. Entre design et céramique, procédés industriels et savoir-faire artisanaux, studio biskt expérimente l’extrusion de terre, processus emprunté à l’industrie. Charlotte et Martin portent une attention particulière à la manière dont l'objet est créé.
Le MAD a discuté avec Charlotte Gigan céramiste et co-fondatrice du Studio Biskt.
Comment a démarré votre projet, studio Biskt ?
"Nous nous sommes rencontrés à la Cambre en 2011, Martin était en design industriel et moi en céramique. C’est en 2018, après avoir travaillé chacun de notre côté, que l’on a commencé le studio Biskt. Martin étant passionné de machines, et de mon côté je ne viens pas vraiment du milieu du design, nous avons réfléchi au meilleur moyen de combiner le travail d’un designer industriel avec celui d’une céramiste. Nous nous sommes demandé comment avec l’artisanat nous pouvions nous inspirer de l’industrie. Notre studio est un peu hybride."
Vous faites dialoguer dans vos projets, design et artisanat, expliquez-nous.
"On s’est axé sur une technique en particulier, qui nous a rassemblé, l’extrusion de terre. C’est un procédé industriel, avec lequel on fabrique notamment des briques. Martin a toujours été passionné par cette technique-là. Nous avons commencé assez rapidement à travailler ce procédé ensemble à l’atelier, nous voulions voir ce qu’il apportait en milieu artisanal. Puis nous l’avons développé pour pouvoir faire de l’extrusion dans de petits ateliers, nous nous sommes alors rendu compte de toutes les possibilités que cette technique offrait. Ce qui est intéressant avec la technique de l’extrusion c’est qu’elle nous permet d’expérimenter. Nous créons nos matrices, puis on les fraise avec une CNC. Comme Martin fabrique aussi des CNC il y a un lien qui se créer entre design et céramique."
"La technique de l’extrusion nous permet de travailler sur l’esthétique. Ce qui est chouette c’est qu’à 9:00 on peut dessiner nos propres matrices, 9:30 fraiser et puis à 10:00 on peut tester, ce qui nous permet d’expérimenter à beaucoup de reprises. Nous avons tous les outils à notre disposition pour pouvoir réaliser notre idée directement."
Quelle est la dynamique de travail de votre studio ? Quelle est votre approche?
"L’idée est de produire un objet unique de design avec les caractéristiques d’un produit industriel, le tout suivant une démarche artistique. On s’inspire de l’architecture, des mécanismes, pour susciter un questionnement sur la provenance et le processus de fabrication de nos objets."
"Au niveau des projets on est assez éclectique. Nous avons défini certains axes : d’un côté on travaille, avec ou sans architectes, pour des projets individuels et personnalisés, pour des restaurants ou particuliers. En parallèle nous conservons une partie galerie avec des pièces plutôt ‘collectible design’ c’est-à-dire de l’objet qui a une approche utilitaire mais qui reste structural dans la manière ou l’on fait les choses. Enfin on s’adresse plutôt à des boutiques ou particuliers pour des projets de design."
"On peut aussi collaborer avec d’autres artistes ou artisan·es dans la mesure où il y a un sens général, de la recherche collaborative. Dernièrement nous avons travaillé avec Pierre-Yves Morel, qui fait de la peinture décorative, dans le cadre du projet Duos en Résonances imaginé par Wallonie Design. Il y a une vraie collaboration entre lui et nous sur la matière, la recherche et le partage d’expérience, ce qui a rendu le projet très intéressant."
Quels sont, selon vous, les enjeux du design aujourd’hui ?
"Lorsque l’on travaille dans la matière et que l’on crée quelque chose on se pose la question de l’impact que l’on a et que l’on crée. Il y a un rapport à la fabrication, on se demande comment les choses sont faites mais aussi ou sont-elles faites. Il est important de se poser toutes ces questions et de remettre au centre du village la production plutôt que la surconsommation."
"Nous faisons en sorte de travailler avec de la terre belge idéalement, et de ne pas faire venir la matière de trop loin par exemple. On observe aussi un retour au ‘faire’, à vouloir comprendre et découvrir des savoir-faire artisanaux."
"Nous avons été nominés comme designer of the year par la Biennale intérieure de Courtrai, nous sommes super touchés. Cela montre que notre projet est reconnu dans le paysage belge, c’est super gratifiant !"
Avez-vous des conseils à donner aux jeunes designers ?
"Il faut croire en son projet, bien s’entourer et persévérer. Nous avons de la chance car la région Bruxelles Capitale offre diverses possibilités de projets créatifs, bourses et coaching pour soutenir les créateur·ices. Au début nous avons passé du temps à voir nos dossiers refusés. Puis nous avons gagné une bourse du MAD qui nous a permis d’acheter notre première extrudeuse et qui nous a offert un coaching. La coach nous a aidé à réorienter notre business model à un moment clé."
"Quand on sort d’étude on est ‘jeté’ dans un grand flow. Il ne faut pas hésiter à partager ce que l’on fait, les retours et réflexions permettent de construire notre projet. Parfois nous n’avons pas le recul suffisant sur notre travail et partager avec les autres permet de prendre ce recul. Je terminerais en disant que c’est un bonheur de pouvoir se lever le matin en se disant qu’on aime ce que l’on fait, et que l’on peut contribuer à changer les choses."