Imprégnée des dynamiques urbaines contemporaines, Louise Verstraete considère l’espace public comme un terrain de jeu, une source d’inspiration pour façonner une archive vivante traduite en textile. Par son approche ludique et intuitive, elle remet en question les conventions établies de l’espace et de la matière, faisant ainsi de la banalité du quotidien une occasion de se muer en une forme d’expression artistique et réflexive.
Louise Verstraete est une artiste visuelle et designer textile dont l'approche multidisciplinaire embrasse la photographie, la scénographie, la performance et le textile. Diplômée en arts plastiques et titulaire d'un master en design textile de la LUCA School of Arts à Bruxelles, elle expose son travail au FOMU à Anvers et au Motto Berlin. Son œuvre se déploie aussi bien dans l'espace public que dans des lieux plus intimistes : cabines d'affichage, vitrines, drapeaux, et dans des espaces flous entre le privé et le public. Après l'obtention de son diplôme, Louise vit et travaille à l'étranger, notamment à Berlin et à Bâle. Ces villes ont une influence significative sur ses projets et sa pratique, dont les environnements urbains constituent la base de sa recherche. De retour à Bruxelles, elle intègre le MAD Incubator en octobre 2024, désireuse de nourrir sa pratique à travers des collaborations avec d'autres designers et de pouvoir créer dans une émulation collective.
“J'aime considérer l'espace public comme un terrain de jeu commun, mes archives photographiques comme une piscine en perpétuelle expansion et mon processus de travail comme un cercle - toujours en mouvement, toujours en évolution, jamais tout à fait terminé.”
Louise Verstraete tisse une archive vivante qu'elle nomme The Island of Images, un espace où photographie, scénographie urbaine et textile se croisent, se fondent et se répondent. S’aventurant aux confins du textile, elle transcrit ses photographies d’urbanités — graffitis, affiches, typographies — en textiles tissés sur métiers Jacquard. Ce processus lui permet de mêler l’immatériel du pixel à la matérialité des fibres, créant des motifs directement dans la matière plutôt que par impression ou teinture. Cette démarche, qui met en lumière les gestes fondamentaux du textile – tissage, couture, connexion – favorise un dialogue entre visibilité et dissimulation, ajoutant une dimension dynamique à ses œuvres. Ces gestes deviennent des formes d’expression, contribuant à un langage textile en constante évolution.
S'intéressant aux frontières fluides et perméables entre la fiction et la réalité, l’espace public et privé, ainsi qu’entre les pixels et les codes textiles, Louise Verstraete interroge et confronte ces rapports à travers la photographie, la performance et ses œuvres tissées sur métiers Jacquard. Inspirée par l'espace public, qu'elle considère non seulement comme un simple lieu de transit, mais comme une scène d'exposition en soi, elle en exploite le potentiel pour interroger et réinventer les rapports entre espace, perception et interaction. Son ambition est de questionner et de redéfinir les frontières de l'art et du design, interrogeant la manière dont ces éléments peuvent transformer notre expérience quotidienne. Son intérêt pour la scénographie, le théâtre et l'art contemporain l’amène à envisager la création comme un acte performatif, où chaque œuvre devient une invitation à voir le monde sous un jour nouveau. Son œuvre témoigne de chorégraphies sociales silencieuses dictées par les architectures à nos corps en mouvement, où chaque déplacement et chaque geste modifient l’espace, réinventant ainsi la scénographie du quotidien.
Si la mission du designer, communément acceptée, consiste en l’apport de solutions à des problèmes spécifiques, Louise Verstraete élargit la perspective en incorporant une dimension d'expérimentation et de créativité, redéfinissant ainsi les contours mêmes de la discipline. Pour elle, le design dépasse la simple résolution de problèmes matériels ; il devient une réflexion esthétique et conceptuelle sur l’interaction des objets (et de ce fait, de nous-mêmes) avec l’environnement, modifiant ainsi les usages et les perceptions des espaces. Ses créations, à la croisée de l’art et du design, incitent à la contemplation et au dialogue, métamorphosant des objets usuels en véritables éléments de performance. L’un de ces projets illustre cette approche innovante. Conçu avec une perforation centrale, ce tapis, arborant l’empreinte chromatique rouge signature de la designer, s’enroule autour d’une colonne, transcendant ainsi sa fonction d’origine. Il agit comme un catalyseur d’interaction, redéfinissant le paysage environnant et instaurant une dynamique nouvelle qui incite le spectateur à réfléchir sur la relation complexe entre l’objet et son environnement.
Un des traits les plus marquants de l'œuvre de Louise Verstraete réside dans l’interaction singulière qu’elle cultive avec son public. Cette dynamique ne fait pas qu’enrichir son travail ; elle en révèle également la nature fluide et cyclique, où l’art est perçu comme un processus infini, un cercle créatif sans début ni fin. Pour Louise Verstraete, chaque pièce tissée, chaque performance ou photographie est une opportunité d'explorer de nouvelles idées, comme un réservoir dans lequel s’accumulent des fragments créatifs, prêts à être réinterprétés continuellement. Son travail révèle l'impact des scénographies urbaines sur nos interactions sociales et nos mouvements quotidiens, tout en dévoilant l'influence des systèmes visuels et textiles dans la construction de nos perceptions. Le textile devient alors une manière de redéfinir, de reconfigurer et de révéler des réalités multiples, à travers un dialogue constant entre forme, matière et espace.