À l'approche de la Semaine du design de Milan, MAD s'est entretenu avec le designer textile Manuel Leromain. Il fait partie des 13 designers belges qui présenteront leur travail au célèbre salon du design SaloneSatellite sous la bannière de Belgium is Design. Une collaboration entre MAD Brussels, Wallonie-Bruxelles Design Mode, Flanders DC et Hub Brussels.
Pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Je m'appelle Manuel Leromain, j'ai étudié à La Cambre à Bruxelles, et je suis designer textile. Je travaille autour de la technique du papier découpé, et je crée des tapisseries jacquard comme des tableaux que l'on peut accrocher au mur, sur son canapé ou sur le sol.
Vous êtes l'un des 13 designers belges qui se rendra à la Milan Design Week 2023 pour présenter son travail au Salon Satellite avec Belgium is Design. Comment avez-vous été intégré au projet Belgium is Design ?
Après avoir été sélectionné, j'ai été contacté directement par l'organisation pour planifier les différentes rencontres auxquelles nous allions participer. Nous avons discuté ensemble du déroulement du salon, de nos attentes et de nos objectifs ainsi que du nombre de pièces que nous souhaitions présenter. Belgium is design est très investi dans la communication et la promotion des jeunes designers. Nous avons également fait un photoshoot pour montrer notre travail et présenter les créateur·ices de cette édition 2023. Cette photo a déjà été partagée plusieurs fois sur les réseaux sociaux, ce qui montre l'importance d'une organisation telle que Belgium is Design pendant la Milan Design week pour les créateur·ices belges.
Quelles sont vos attentes pour le Salone Satellite cette année ? Qu'espérez-vous voir ?
Tout d'abord, je pense qu'il est important de se faire remarquer, en donnant sa carte de visite, en échangeant avec un maximum de client·es potentiel·les, mais aussi avec les éditeur·ices de tissus d'ameublement. Par exemple, j'aimerais beaucoup discuter avec les créateur·ices de CC-tapis que j'admire beaucoup, car je trouve leur travail sensible et original, notamment dans le choix des couleurs et des matières. Ils font régulièrement appel à des créateur·ices pour éditer de nouveaux graphismes, pourquoi pas moi ? Mon souhait serait de voir mes dessins et collages édités sous forme de tissus d'ameublement, qu'ils soient tissés ou imprimés, j'aimerais beaucoup retrouver mon univers joyeux dans un bel intérieur.
Belgium is design cherche à remettre en question la production industrielle. Comment cela se reflète-t-il dans votre façon de travailler et dans vos créations ?
Mes tapisseries ont été tissées sur des métiers jacquard industriels, mais cela ne signifie pas qu'elles sont produites en série. Au contraire, chaque tapisserie est une pièce unique. Cela a nécessité un travail de recherches multiples, qu'elles soient techniques, graphiques ou même symboliques, j'ai expérimenté tous ces paramètres pendant un an avant d'obtenir un résultat probant. J'ai fait des essais de tissage, comparé les qualités des fils et des couleurs, et parallèlement, j'ai réalisé un carnet de recherche avec des dessins, des photos, tout en travaillant sur ordinateur pour visualiser le résultat final. Mon travail est à la fois un processus créatif et artisanal, tout en passant par un parcours industriel, je trouve cela très intéressant.
Parlons un peu de votre travail ! Où puisez-vous votre inspiration pour vos créations textiles colorées ?
Je m'inspire de mon enfance et de l'environnement dans lequel j'ai grandi. J'ai vécu à la campagne, dans un moulin de l'est de la France. Cet endroit était un véritable terrain de jeu, mes tapisseries parlent aussi de ces souvenirs d'enfance, comme des moments suspendus et hors du temps (le canoë, la balançoire, le saule pleureur...) Je vois la couleur et la composition comme un véritable moteur créatif. La couleur est indissociable de mon travail, car c'est à partir de mes associations et de mes découpages de papiers colorés, travail préparatoire que je réalise toute mes créations, et que j'obtiens un résultat qui me satisfait. J'ai vu récemment l'exposition de Baya à Paris, une peintre algérienne. Sa palette de couleurs est absolument magnifique, éclatante et pleine de vitalité. Lorsque vous êtes peintre, la couleur est vraiment importante, il en est de même lorsque vous travaillez avec du textile.
Enfin, quel conseil donneriez-vous aux jeunes designers qui débutent dans le secteur ?
Je crois que le processus de travail, la manière de s'investir dans un projet, est très important. On ne peut pas créer pour créer et être satisfait du résultat. Il me semble que le travail d'un designer, quel qu'il soit, doit toujours être remis en question. Explorer est une façon de faire, c’est en réalisant des tests, des prototypes et des échantillons que l'on arrive à des résultats plus aboutis et moins superficiels. En tant que designer textile, je pense toujours au résultat et à ce que je fais, mais parfois le processus créatif est plus intéressant que le résultat ! La principale qualité d'un designer est la curiosité ! Il faut rester curieux toute sa vie.