Nicolas Lavigna, Antoine Bodart et Arnaud Vanderplancke sont les cofondateurs de Norm. Tous trois actifs dans l'industrie de la chaussure depuis une dizaine d'années, les trois Belges rêvaient de créer un label de sneaker durable, transparent et circulaire. Leur objectif, repenser les codes d'un marché qu'ils connaissent.
MAD a discuté avec Nicolas Lavigna, co-fondateur et designer de la marque.
Peux-tu te présenter brièvement ?
"Je m’appelle Nicolas Lavigna. Passionné par la chaussure depuis très jeune, j’ai d’abord étudié le design industriel à l’ENSAV la Cambre avant de débuter mon activité de designer chaussure en freelance. Je travaille pour des marques de chaussures, essentiellement de luxe, depuis 13 ans."
"Il y a un peu plus de 4 ans j’ai rencontré mes deux associés, Antoine et Arnaud, aussi actifs dans l’industrie de la chaussure et l’idée du projet Norm a germé. Il manquait selon nous quelque chose sur le marché combinant le style et le côté écoresponsable. En lançant notre marque nous voulions avoir un impact positif sur la société tout en produisant une chaussure au design recherché. En débutant le projet on a beaucoup appris. Il nous a fallu testé différent·es fournisseur·ses avant de trouver le·a bon·ne. La technologie du 3D Knitting que nous utilisons pour produire nos chaussures, est bien développée en Asie mais en Europe elle était surtout utilisée pour le vêtement. C’est aussi très important pour nous que tout ce qui est sourcé soit le plus proche de la zone de production de la chaussure. L’assemblage se fait au Portugal dans la région de Porto, car ils y ont un vrai savoir-faire et cela permet un bon rapport qualité-prix."
"En avril 2019 on a décidé de lancer une campagne de financement participatif (crowdfunding) pour le premier modèle de notre collection. On a récolté 60 000 euros, ce qui nous a permis de financer la production de 1000 paires. Nous avons donc lancé officiellement la société en juin 2019. A partir de là, nous avons été présents au Bon marché à Paris dans le cadre de l’exposition sur la Belgique, nous avons livré les premier·es client·es en janvier 2020, lancé notre site en février. Puis le covid est arrivé, ce qui a bien ralenti nos ventes. Les boutiques physiques ne voulaient pas commercialiser une nouvelle marque."
Pourquoi ce nom, ‘Norm’ ?
"Notre ambition était de redéfinir les codes de la chaussure écoresponsable, on voulait être une référence, devenir le nouveau standard, la nouvelle norme sur le marché de la chaussure, d’où le nom : Norm. "
"Nous essayons de faire les choses avec le moins de compromis possible, en totale transparence : sur nos lieux de fabrication, nos matériaux, les normes que nous utilisons. L’idée était de créer une marque qui nous parle et transmette les notions d’écoresponsabilité, de transparence et de circularité. Dans l’environnement de la chaussure actuellement c’est très opaque et même les marques qui se disent écoresponsables font souvent du greenwashing. Nous tentons de lutter contre cela."
Que peux-tu dire de l’industrie des sneakers aujourd’hui ?
"Aujourd’hui le marché de la sneaker est vraiment saturé. Toutes les marques s’y mettent, il y en a pour tous les goûts, les prix et tous les styles de fabrication. Il y a une mouvance ‘futuriste’, avec l’impression 3D notamment. C’est très visuel pour l’instant, mais pas encore vraiment écoresponsable. Avec les DIY, le gens réparent de plus en plus leurs chaussures."
"Chez Norm on a mis en place la campagne Circle. Notre but est de penser à la fin de la chaussure avant même de la produire. On propose à nos client·es de renvoyer leurs baskets Norm abîmées, à nos frais, contre un bon de réduction pour l’achat de leur prochaine paire. Ce qui nous permet de renvoyer les paires usées à notre fabricant de semelles au Portugal. Elles sont broyées, transformées en poudre puis réinjectées dans les nouvelles baskets Norm. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de pièces métalliques dans nos chaussures, sinon le procédé ne serait pas possible."
Norm est à la fois sustainable et innovant ? Peux-tu préciser ?
"Avec Norm nous voulions sortir du schéma classique de fabrication de la chaussure, en réduisant au maximum les composants et en partant directement de la matière. Grâce au 3D Knitting on peut utiliser exactement la matière dont on a besoin sans avoir de perte. La partie supérieure de la chaussure, la tige, est tricotée d’une seule pièce à partir de six bouteilles plastiques, ce qui permet de diminuer le gaspillage de matière de 65%. La semelle est constituée de 70% de caoutchouc recyclé et 30% de caoutchouc naturel fairtrade. Le reste des composants, lacets, rubans, étiquettes sont aussi fabriqués à base de plastique recyclé."
"On fait les salons de matériaux deux fois par an, en Italie et en France. On est à l’affût des nouveautés. Les biomatériaux c’est vraiment l’avenir et on aimerait utiliser de plus en plus de fils plus naturels comme la laine recyclée ou du fil à partir de cellulose afin d’élargir notre offre et de proposer autre chose que des fibres issues du plastique."
Vous avez bénéficié du programme MAD Fly cette année, comment cela vous a-t-il aidé ?
"Nous avons d’abord gagné deux fois le prix Be-Circular décerné par Up Brussels, ce qui nous a permis de rebondir suite à la crise covid et d’obtenir nos premières sessions de coaching. C’était à la fois très intéressant mais aussi un peu frustrant car déconnecté du milieu de la mode, où les codes sont assez spécifiques."
"MAD Fly nous a beaucoup aidé, au niveau du branding et des sales. C’était super de pouvoir s’adresser à des expert·es qui travaillent avec ou pour des marques de mode. On a revu notre positionnement en se posant les bonnes questions : qui sommes-nous ? Qu’est-ce qu’on fait ? Quel est notre message ? C’est important d’aller au bout du sujet, être convaincu de notre ADN pour pouvoir convaincre notre cible."
Quels conseils donneriez-vous à de jeunes designers, entrepreneur·ses qui se lancent aujourd’hui ?
"Je pense que c’est très important de prendre en compte directement l’environnement dans lequel on veut vendre le produit. Il est nécessaire d’avoir une vision d’ensemble de la partie vente. Nous avons démarché les revendeur·ses trop tard de notre côté, car nous étions trop attaché à l’idée de vendre en ligne."
"On a aussi appris qu’il était indispensable d’être proche de ses fabricant·es, aller les voir. Le digital c’est bien mais ça a très vite ses limites."
"Ce qui fait défaut aujourd’hui c’est l’authenticité. Il faut se poser la question ‘Ce que l’on apporte sur le marché est-il nécessaire ? Y a-t-il de la place ou est-ce encore ajouter quelque chose à la quantité d’offres déjà existantes ?’ Il faut rester honnête et transparent sur ce que l’on fait. Et enfin il faut être courageux·ses, avoir beaucoup de patience et être passionné."
"Sinon ce n’est que du bonheur !! C’est très gratifiant de voir aboutir un projet et de voir les gens porter les sneakers qu’on a imaginé."
L'appel à candidature pour le programme de coaching MAD Fly est ouvert du 25 janvier au 10 mars 2023.
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