Rencontrez Lila, une créatrice de mode passionnée par les couleurs, l'art et les vêtements. LILA&JOHN se distingue par ses tricots durables, audacieux et polyvalents, agrémentés d'une touche urbaine. Les créations de Lila passent sans le moindre effort du décontracté au chic, s'adressant à tous les âges et à tous les milieux. Ses collections confèrent pouvoir et confiance à ceux qui les portent, tout en sublimant leur beauté intérieure. En dehors de sa propre marque, Lila collabore avec des chorégraphes et des artistes, notamment pour les costumes d'Anne Teresa De Keersmaeker, que vous pourrez découvrir lors de notre prochaine exposition Fashion Moves.
MAD a rencontré Lila John pour discuter de ses sources d'inspiration, de sa marque de prêt-à-porter, de ses collections de costumes et de ses collaborations avec des artistes et des chorégraphes.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous et sur le parcours que vous avez suivi au cours de votre carrière ?
"J'ai grandi à Vienne, en Autriche, où j'ai étudié la mode à l'Académie des arts appliqués. Pendant mes études, j'ai eu l'opportunité de travailler comme costumière, ce qui m'a permis de gagner un peu d'argent supplémentaire."
"Lorsque j'ai déménagé à Bruxelles il y a environ six ans, j'ai partagé mon studio avec la costumière Sofie Durnez. Elle m'a présentée à Rosas, où j'ai commencé à travailler en tant qu'assistante de la costumière Anne Catherine Kunz. Ce poste m'a permis de rencontrer Anne Teresa De Keersmaeker qui, peu après, m'a sollicitée en vue de collaborer dans le cadre du spectacle de fin d'études de P.A.R.T.S. au Kunstenfestivaldesart."
"Parallèlement, je travaillais également avec Michiel Vandevelde, qui m'avait demandé de créer une collection de mode pour la performance « Paradise Now ». J'ai trouvé ces deux projets particulièrement enrichissants, en tant que prolongements de ma pratique de styliste."
Vous participerez bientôt à notre nouvelle exposition « Fashion Moves », où vous présenterez une pièce que vous avez conçue pour une performance d'Anne Teresa de Keersmaeker. Pourriez-vous nous en dire plus sur cette collaboration ? Comment avez-vous commencé à concevoir ces costumes et quelles ont été vos sources d'inspiration tout au long de ce processus ?
""Dark Red" a été conçu en réponse à une invitation de la fondation d'art « Kolumba », un espace à forte connotation religieuse à Cologne. Anne Teresa a donc suggéré d'ancrer la pièce au thème des 12 apôtres. Nous avons donc choisi de travailler exclusivement avec des danseurs masculins et nous avons essayé de les associer aux portraits des apôtres réalisés par le Greco."
"Je voulais integré les couleurs des peintures aux costumes. Au début, cela nécessitait un peu de recherches, mais du fait que ce n'était pas notre première collaboration avec Anne Teresa, j'ai pu mieux appréhender ses attentes. Dans une certaine mesure, nous connaissions déjà nos préférences et notre esthétique respectives. Comme nous aimons toutes deux travailler avec la transparence, j'ai suggéré l'utilisation d'un tissu en filet."
"Le processus s'est déroulé comme un dialogue. Anne Teresa m'a dit qu'elle souhaitait estomper la distinction entre le haut et le bas des corps. À partir de cette vision, nous avons créé une silhouette avec un pantalon rouge où le haut du costume évoluait progressivement du rouge au bleu, créant ainsi une transition graduelle."
Quelles considérations et quels critères ont guidé votre choix des tenues des danseurs dans le spectacle « Dark Red », où certains arboraient des hauts transparents et d'autres des tenues plus décontractées, telles que des polos et des jeans ?
"Nous avons joué sur le contraste entre le jeans robuste et des éléments délicats pour insuffler une touche poétique. Dans les tableaux, ils portaient des drapés, conférant ainsi une impression de douceur. Nous souhaitions susciter cette impression avec des hauts transparents."
"Nous avons également intégré des vêtements de tous les jours, en raison du cadre de la représentation qui se déroulait dans un musée. Cela a permis aux danseurs de se fondre au public et de le surprendre lorsqu'ils se mettaient à danser à côté de lui."
Dans quelle mesure la chorégraphie du spectacle a-t-elle influencé la conception des costumes ? Y a-t-il des mouvements ou des styles de danse spécifiques que vous vouliez mettre en valeur ou soutenir à travers vos créations ?
"Pour moi, il est toujours essentiel d'assister aux répétitions et d'observer la chorégraphie avant de commencer à dessiner. Il est crucial de voir comment les danseur·euse·s bougent, car certains vêtements peuvent dissumuler des mouvements, tandis que d'autres vont les souligner."
"Les costumes peuvent même influer sur l'espace. Je me souviens avoir travaillé sur un projet pour Radouan Mriziga, avec des paillettes et des franges qui produisaient du bruit ; nous avons alors opté de rendre l'espace très sombre. De cette manière, les costumes et les mouvements pouvaient vraiment se compléter."
"Anne Teresa met fortement l'accent sur le corps, ce qui rend la transparence fascinante. Par exemple, elle illustre comment les muscles bougent, tout en permettant aux danseurs de porter quelque chose."
En dehors d'Anne Teresa de Keersmaeker, vous avez collaboré avec d'autres chorégraphes et artistes. Qu'est-ce qui rend la conception de costumes pour le théâtre et la danse si fascinante pour vous ? En quoi cela diffère-t-il de la conception de lignes de vêtements ordinaires ou de vos créations pour votre marque « Lila&John ?
"Lors de la conception des costumes, il y a souvent un questionnement ou un thème spécifique sous-jacent. Par exemple, lorsque j'ai collaboré avec Radouan Mriziga sur « Tafukt », le spectacle était axé sur la sémantique et les mythologies du peuple Imazigh. C'était une occasion exceptionnelle d'explorer cette culture et cet héritage. Ce genre d'invitation me permet d'explorer de nouveaux horizons auxquels je n'aurais pas forcément eu accès autrement.
Actuellement, je travaille pour la première fois sur les costumes d'une pièce intitulée « Hoplessly Devoted » de Kae Tempest, qui se déroule dans une prison. Cela implique une approche différente, où je me concentre davantage sur le texte et l'histoire que sur les mouvements. Dans les deux cas, il est primordial que les danseur·euse·s et les acteur·ice·s se sentent à l'aise sur scène."
"Pour ma marque Lila & John, je travaille principalement avec des tricots. Le tricot est souvent associé à un aspect démodé, j'ai donc cherché à le rendre plus contemporain et plus audacieux, notamment en utilisant des anneaux métalliques brillantsJ'ai également opté pour la maille en raison de la présence d'une usine de fabrication de maille en Belgique. J'attache une grande importance à la production locale et à l'utilisation des ressources disponibles. Mes collections sont toujours inspirées par les couleurs et les techniques. J'apprécie particulièrement l'association de différentes teintes et la texture des matériaux. De plus, j'accorde une attention particulière à l'utilisation de fils durables, contribuant ainsi à la durabilité de mes créations."
Pour vous, la couleur est un élément essentiel de la création. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
"Pour moi, c'est assez intuitif. Je suis obsédée par les couleurs. Certaines couleurs conviennent mieux à certaines personnes et les mettent en valeur. En outre, les combinaisons de couleur peuvent être plus intéressantes que les couleus individuelles. C'est un peu comme un jeu pour moi : comment combiner les couleurs et comment elles peuvent s'embellir mutuellement et sûblimer les gens qui les portent."
"Pour les costumes, je suis constamment à la recherche de couleurs qui font briller l'artiste en question. Il s'agit de trouver un équilibre, car toutes les couleurs ne flattent pas de la même manière. Ce qui peut être magnifique en bleu pour une personne, pourrait ne pas convenir du tout à une autre. Il s'agit de trouver une harmonie et équité sur scène, tout en veillant à ce que chacun soit à son avantage. C'est une question de contrepoids. En ce moment, je commence à explorer les couleurs sous d'autres perspectives. Récemment, j'ai eu l'opportunité de prodiguer des conseils en matière de couleurs pour une installation architecturale à Louvain, un théâtre en plein air nommé Olevodroom."