Et si l’on repensait la bague différemment ? Et si, plutôt que de s’en tenir aux codes stricts de la joaillerie fine – or, diamant, saphir – on explorait de nouvelles combinaisons de matières, de techniques, d’histoires ? Chloé Ucedo ne pose aucune limite à sa pratique, employant le conditionnel pour définir son approche. Car UCEDO n'est pas seulement une marque de bijoux : c’est une manière de questionner le monde, de déconstruire les conventions traditionnelles et de réinventer l’essence même de la joaillerie.
Chloé Ucedo, artisane-designer, débute ses études en architecture à La Cambre et à Saint Luc avant de se tourner vers la joaillerie. Après un passage aux Arts & Métiers, elle se forme aux techniques artisanales auprès de Serge De Moor, artisan chez Chaumet, et explore de manière autodidacte la soudure de métaux robustes et le design de mobilier destinés aux galeries. Pour élargir sa vision, elle étudie le design industriel à La Cambre et se spécialise en modélisation 3D. En 2023, elle lance sa marque éponyme UCEDO, alliant techniques artisanales et innovations modernes qu’elle a perfectionnées tout au long son parcours. Après avoir exposé au sein de l’exposition Particle(s) dans le cadre de la Brussels Jewellery Week en avril 2024, elle intègre le MAD Incubator en tant que résidente de la promotion 2024-2026.
“Pour moi, la conception de bijoux, c’est de la petite architecture.”
Et si nous lui retournions les questions ? Chloé Ucedo répondrait sans hésitation que la joaillerie contemporaine, telle qu’elle la conçoit, relève d’une mécanique fine : «C’est de la petite architecture.». Dès les prémisses, UCEDO mise sur les bagues comme produits-phares, envisagés comme des sculptures vivantes – celles qui parlent, qui bougent, qui touchent – où chaque articulation, chaque courbe offre une nouvelle complexité à explorer. Pour relever ce défi, Chloé Ucedo se laisse guider par un processus créatif intuitif reposant sur le hand-to-brain, un moment suspendu où la main, forte de son savoir-faire, trouve des solutions inattendues, imprévisibles, offrant des perspectives uniques à son travail. Dans un marché saturé de bijoux fantaisie bon marché et de pièces de haute joaillerie rigides, la marque explore un espace hybride, à mi-chemin entre ces deux extrêmes. Consciente des clivages sociaux liés à l'un et sensible à la qualité des matériaux souvent négligée par l'autre, Chloé Ucedo transforme cet entre-deux en un terrain d'expérimentation fertile, où la création est avant tout un dialogue avec la matière. Elle marie la précision de l’artisanat aux innovations contemporaines et à la surprise du matériau, développant des techniques innovantes et durables telles que la friction entre les matières pour remplacer la soudure traditionnelle.
Armée de l’intelligence artificielle, Chloé Ucedo génère un monde qui se distancie du réel, où les minorités se substituent aux icônes traditionnelles. Elle développe une imagerie qui repose sur un jeu de contrastes : des matières et attitudes contemporaines – nail art, grillz, AirPods, smartphones – se confrontent à un cadre pictural suspendu, teinté de l’esthétique de la Renaissance. Dans cet espace, la Madone se réinvente en femme noire, les chérubins troquent leurs robes pour des combinaisons en latex. Une démarche artistique qui vise à décoloniser la haute joaillerie en interrogeant la provenance des matériaux et l'appropriation culturelle, tout en déconstruisant les normes esthétiques et sociales, la valeur et le prestige qui façonnent cette industrie. Ces intentions se concrétisent dans sa pratique, où elle sort volontairement le bijou de son écrin privé et du carcan de la technicité propre au luxe, pour l’appliquer à des matières présumées modestes. Ainsi, elle introduit des matières nouvelles comme le polymère ou la résine, tout en s’appuyant sur des techniques ancestrales et en réinterprétant des éléments classiques. Cette approche se manifeste notamment à travers les pièces créées pour l'artiste pluridisciplinaire Baloji, telles qu’une bague inspirée du laque japonais, réinventée avec des fragments d'œufs et de coquilles, offrant une texture inédite sans renoncer à l’authenticité de la matière.
Loin des sentiers battus du conformisme, UCEDO envisage le bijou non pas comme un simple ornement, mais comme un véritable objet expérimental. La marque rêve d’un monde où les client·e·s ne choisiraient pas un modèle sur catalogue, mais où la bague les choisirait en fonction de leur histoire. La personnalisation deviendrait une quête de sens, une manière de relier intimement l’objet à son propriétaire, invitant ceux qui les portent à s’interroger et à transcender les conventions traditionnelles. En conjuguant innovation et techniques ancestrales, et en réinterprétant des matériaux considérés comme modestes pour déconstruire les codes du luxe conventionnel, UCEDO cultive un désir profond de subversion. La marque s’engage à rendre la joaillerie plus accessible tout en défiant les normes établies, remettant en question ce qui a toujours été, pour imaginer ce qui pourrait être. En fin de compte, UCEDO, c’est une question de 'et si ?’. Et si l’histoire pouvait se raconter autrement ?